Après avoir passé plusieurs années à souffler, vient le temps pour lui de souffler un peu. Un repos bien mérité. Il avait commencé jeune, un peu par hasard. Il lui arrivait de jouer quelques fois au gendarme et au voleur, mais à cette époque, il n’aurait pas pensé en faire un métier. C’est pourtant ce qu’il fit. Aîné d’une famille nombreuse, sept en tout, sans compter ses deux demi-frères, il avait quitté la maison tôt. Grand et plutôt costaux, il se bagarrait de plus en plus à la sortie des bars clandestins qu’ils fréquentait jusqu’au jour où ce jour, il fut embarqué par la police. Réveil brutal sur sa condition et surtout, son absence de futur, il remarqua que les policiers, pas tellement plus vieux que lui, jouissait de ce qu’ils ont parfois à taper sur d’autres gars, tout en étant payé pour le faire. C’est cette pensée qui, toute tordue qu’elle soit, lui donna l’idée d’en devenir un, un policier. En ce temps-là, la formation était sommaire: un examen médical, une enquête qui se résumait à quelques références, un entraînement physique de 6 semaines, un cours de manipulation d’arme qui en durait une, 3 mois de cours sur les lois et code criminel, un cours de conduite et hop, on était déjà une recrue. Il se trouva facilement un boulot, dans une ville dortoir, un peu loin du chez soi qui l’avait vu grandir, et se mit à travailler. Ne pouvant plus sortir comme avant étant donné son obligation de donner l’exemple, il se trouva rapidement une jeune et jolie compagne avec qui il eut bientôt, plus d’une bouche à nourrir.
Le reste fut de la routine pendant quelques décennies et les détails lui reviennent de temps en temps, lorsqu’il s’arrête pour regarder tout ce chemin parcouru. Pour lui, tant de choses se sont passées mais qui, même pour lui, sont floues et lointaines. Maison, enfants, famille et carrière se sont occupé de bien remplir sa vie.
Les dernières années ont été à la fois plus faciles et plus difficiles. Plus faciles car il était affecté à la circulation. Plus difficiles car il n’était plus le policier à qui ont demandait de filer une voiture louche ou de se rendre en vitesse sur le lieu d’un accident ou d’un méfait. Éveiller l’attention d’un conducteur distrait à l’aide de son sifflet était la seule autorité qu’il lui restait et il ne se gênait pas pour en user.
Mais aujourd’hui, il met son sifflet en sourdine. Il le range dans une boite et puis il se met à siffler en pensant aux autres projets qu’ils l’attendent…