“C’est plus qu’un droit mademoiselle, c’est une exigence!” qu’elle se répétait dans sa tête depuis ce matin.
Elle sentait de temps en temps qu’elle n’avait pas sa place, dans cette société individualiste et superficielle. Enfin, c’est comme ça qu’elle la qualifiait, cette société. Ainsi, se sentait-elle différente lorsqu’elle regardait autour d’elle. Pour elle, devenir avocate tenait davantage de la curiosité que d’une intention de carrière. Connaître ce à quoi on s’attend de tout citoyen et ce que tout citoyen s’attend d’autrui lui permettrait peut-être de mieux comprendre ce qui lui semble étranger au quotidien.
Mais ce matin là, en classe, s’en fut trop. D’étudiante passive qu’elle est habituellement, elle s’est faite participante animée d’un débat improvisé avec ce professeur qui l’avait piqué au vif lorsqu’il avait abordé le concept des libertés individuelles. Que des individus soient libres, elle comprenait, mais elle en avait contre cette liberté qui individualise et qui rend chaque individu indifférent à son prochain. Alors elle avait argumenté, assez adroitement d’ailleurs, que la liberté n’existe que pour la personne à qui elle s’applique. Autrement dit, si la liberté est universelle et égale entre chaque individu, alors la liberté n’existe plus car elle doit s’appuyer sur des règles respectées de tous et donc, pour lesquelles personne n’est libre de les rejeter. La liberté n’est donc que la nécessité de se conformer à des règles, ce qui, pour elle, est plutôt le contraire de la liberté.
Devant une aussi belle démonstration de rhétorique, le professeur, malsaisé, avait répliqué pour s’en sortir, que malgré ce qu’elle en pensait, les lois sont essentielles et que chaque citoyen à le droit de s’attendre à ce que ses concitoyens les respectent pour assurer sa propre liberté. Ce à quoi il ajouta la citation qui lui revient en boucle, sans cesse, depuis ce matin. Et elle ne pourrait être plus en désaccord…