Souffleur de verre[s]

Après la fermeture du bar, les employés s’emploient à faire le ménage. Les lumières tamisées de la soirée ne tamisent plus. Sous les ampoules rallumées, les murs écaillées et défraichis sortent de l’ombre. L’équipe s’applique à faire disparaître les vestiges de la soirée. Des verres et de bouteilles abandonnés partout, le plancher collant, jonché de détritus, les lieux n’ont pas bonne mine. Le balayeur balaie, le vadrouilleur vadrouille, les serveuses essuient. Un spectacle différent de celui d’il y a peu de temps où les derniers fêtards s’activaient fébrilement à planifier leur sortie: finir leur consommation, identifier leur prochaine destination, appeler un taxi ou conclure une conquête.

Celui que je fixe en ce moment, c’est le serveur qui nettoie les verres vidés que lui rapporte les serveuses. De gestes d’habitué, il les plonge dans l’eau chaude, les fait tourner sur une lavette puis les dépose sur un égouttoir. Juste avant de les ranger sur leur support définitif, il souffle à l’intérieur de chacun, inutilement, comme pour les faire sécher davantage ou pour les débarrasser de poussière imaginaire. C’est ce geste que j’aime fixer en ce moment. Un élément décoratif dans ces activités bien ordinaires, comme une rime inattendue dans un texte en prose.

Puis je me remet à balayer…

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